La lecture de M Train, de Patti Smith est une délectation puisque, les livres jouant un rôle important dans la vie de l’auteur, elle en parle comme on aime le faire ici aussi : comme d’êtres vivants. Elle lit beaucoup, relit tout autant, prend des notes sur des carnets, marque les pages. Sa lecture n’est pas superficielle. Elle se souvient bien de ce qu’elle a lu, s’immerge totalement dans les histoires, aime faire un bout de chemin avec les personnages. Se préparant à partir au Japon, elle ressort un carton, « J – 1983 », « mon année de littérature japonaise » (p. 177). Dans une librairie, remarquant un titre de Murakami, La course au mouton sauvage, elle ne peut résister : « un biscuit en forme de mouton à tremper dans mon chocolat chaud » (p. 101). Puis elle enchaîne : Danse, danse, danse, Kafka sur le rivage, Chroniques de l’oiseau à ressort.
D’où cette question (ces questions, n’hésitons pas, le sujet est sérieux) du lundi : quand vous découvrez un auteur qui vous plait beaucoup, faites-vous ainsi : lisez-vous tous ses écrits, livre après livre, dans une sorte d’exclusivité d’un temps ? ou quand vous découvrez la littérature d’un pays, tentez-vous de lire tout ce que vous pouvez en trouver ?
Ainsi, par exemple, on a décidé de lire tous les livres de Patti Smith. On a déjà lu M Train, donc, Glaneurs de rêves, Devotion. En projet : La mer de corail, Présages d'innocence, et tout ce qu'on pourra trouver en français.
A une époque, on avait lu tous les romans de Barbara Pym... Ils sont tous là, sur l'étagère Littérature, à la lettre P.
la question du lundi - Page 60
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La question du lundi : tout lire ?
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La question du lundi : en vrai.
La « Maesta », de Duccio di Buoninsegna a été peinte vers 1310. C’est un tableau immense, constitué de plusieurs scènes : une Vierge à l’enfant en majesté, des épisodes de la vie du Christ… Les toiles occupent une salle entière. On les a toutes regardées et on s’est arrêté sur une particulièrement car elle illustre un passage de l’Evangile qui nous est cher et qui se termine par ces mots : « Alors, ramenant leurs barques à terre et laissant tout, ils le suivirent. » Dans cette scène, Jésus accompagne des pêcheurs et les incite à lancer les filets là où ils ont déjà vainement tenté de pêcher ; les filets remontent pleins à tel point que la barque s’enfonce sous leurs poids ; Pierre et ses amis pêcheurs sont convaincus par le Christ : ils décident de le suivre et laissent tout derrière eux.
Connaître un tableau est une chose, le voir en vrai en est une autre. Dans un livre, on peut bien le regarder et être capable de le décrire comme pour celui-ci ; compter les poissons ; dire que ce personnage est en rouge, l’autre en bleu ; que le Christ et Pierre se font face, qu’ils tendent la main l’un vers l’autre. Dans la réalité, quand on est face à ce tableau, on voit bien plus de choses. Pas seulement des détails, ni les « vraies » couleurs que même la reproduction la plus soignée ne rend pas totalement, ni même la confirmation que le peintre fait marcher l’apôtre Pierre sur l’eau. On voit au-delà de l’image ce que le geste du peintre et ce qu’il avait dans son âme et dans son cœur dit de cette histoire. Ici, le Christ fait signe à Pierre ; oui, la main fait ce signe « viens, viens » et Pierre ouvre les bras comme on le fait quand on accueille quelqu’un.
D’où cette question du lundi : avez-vous déjà vécu cette expérience de voir en vrai un tableau que vous connaissiez bien par les livres et d’ainsi mieux le comprendre ?